Cristina Buarque – la samba nourricière

Alcione, Beth Carvalho, Elizete Cardoso, Clara Nunes, Maria Bethania, Elza Soares, Marisa Monte… les grandes chanteuses de samba aux millions de disques vendus ne manquent pas et je n’ai pas (encore) daigné évoquer leurs délicieuses galettes sonores. Alors pourquoi encore reparler de la plus obscure d’entre elles, Cristina Buarque? Aucune raison à part mon seul caprice sans doute, celui de suivre mes envies et de faire fi de l’actualité et des chiffres de vente.

C’est être en cela je crois fidèle à Cristina Buarque, qui a toujours suivi ses goûts dans le choix des morceaux qu’elle a interprétés comme les arrangements, sans se fier ni aux modes ni aux chiffres de vente, avec une éthique à rendre jaloux un punk hardcore. Et c’est d’ailleurs cette inactualité qui la rend si intemporelle.

Voyez là, à 26 ans, petite sœur d’un chanteur de MPB au sommet de sa gloire et qui préfère, plutôt que de se placer dans son sillon, consacrer un album aux vieux sambistas, pour la plupart encore obscurs, en tout cas loin d’être bankable. Cet album, c’est Prato et Faca.

On retrouve le goût de Cristina de chanter ses aînés (avec une petite préférence pour les compositeurs de l’école de Portela) : Marçal, Geraldo Pereira, Bide, Manacéa, Mijinha, Dona Ivone Lara, Heitor dos Prazeres. Le seul jeune compositeur de la bande n’est nul autre que Paulinho da Viola. Que des bambas comme on désigne les maîtres ès samba, de très très haute volée.

Pour sublimer leurs joyaux, elle sait s’entourer de la crème de la crème : Abel Ferreira à la clarinette, Marçal aux percussions, Dino 7 cordas, à la guitare (qui fut auteur des arrangements des deux chefs d’oeuvre de Cartola parmi tant de faits d’arme). Mais l’expérimentation n’est jamais loin de la tradition: voici la présence parcimonieuse de piano (très rare dans la samba), la participation du batteur mythique de la bossa nova ,Milton Banana, ayant joué sur Chega de Saudade de João Gilberto. Quant à l’arrangeur du disque, c’est José Briamonte qui a travaillé sur chef d’oeuvre de samba expérimentale, Estudando o samba de Tom Zé, paru l’année précédente.

Le titre du disque, Prato e Faca se traduit par « assiette et couteau ». Le mot renvoie à l’instrument de musique, qui est littéralement une assiette et un couteau et qu’on entend dans le morceau qui ouvre l’album (Sempre teu amor) comme dans celui qui le clôture (Esta Melodia). Le nom du disque est aussi peut être comme un hommage aux origines de la samba, née dans les cuisines (« Batuque na cozinha »), comme elle humble et vitale, et qui nourrit les corps et les coeurs.

Cristina Buarque – Prato e Faca, 1976

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