Paulo Diniz – Petit maître

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Il y a les artistes révolutionnaires, qui repoussent les frontières de la musique existante. A côté, il y en a de plus modestes, qui, s’ils n’inventent rien de fondamentalement nouveau, combinent et assaisonnent des ingrédients préexistant pour composer une musique qui leur ressemble. Des petites maîtres, pour reprendre l’expression consacrée en peinture. Mais des maîtres quand même. Paulo Diniz est de ceux-là.

Paulo Diniz a un parcourt similaire à nombre de musiciens brésiliens qui percent à la fin des années 1960. Il grandit dans la petite ville de Pesqueira dans le Pernambuco. Il a une enfance modeste durant laquelle il travaille comme cireur de chaussures après l’école. Il déménage ensuite à Recife où il joue de la batterie et chante dans des clubs tout en travaillant comme animateur radio. En 1964, comme tant d’autres avant lui, il s’installe à Rio de Janeiro et plonge dans la bohème musicale carioca. Il loge notamment dans la fameuse pension Solar da Fossa, aux côtés de Paulinho da Viola et Caetano Veloso. Sa carrière musicale peut commencer.

paulo-diniz-quero-voltar-pra-bahiaAprès un premier album en 1967 encore très marqué par le rock et la jovem guarda (le yéyé brésilien), il durcit le ton sur son second album, Eu Quero voltar pra Bahia. Le disque comprend un morceau éponyme en hommage à Caetano Veloso alors exilé à Londres, que ce dernier cite en retour sur son morceau You don’t know me.

Mais parmi la petite brochette de disques que Paulo Diniz sort dans les années 1970, son plus abouti est certainement E agora José. L’album bénéficie de la direction musicale du réputé Lindolfo Gaya. Paulo Diniz est accompagné d’un bon groupe comprenant notamment Dom Salvador au piano et Frederiko (Som Imaginario) à la guitare électrique, auxquels s’ajoutent un petit orchestre de cordes.

A l’inverse de la MPB ou de la bossa nova, le samba-rock et la jovem guarda brillent rarement par leurs paroles. Mais Paulo Diniz peut compter sur le talent de son fidèle parolier Odibar qui baigne le disque d’une mélancolie sourde. Ce soin pour les paroles se retrouve sur le morceau titre José où sur trois accords tout simples, Paulo Diniz chante le plus grand poète brésilien, Carlos Drummond de Andrade. Paulo Diniz continuera dans ses albums suivant de mettre en musique des poèmes brésiliens, une pratique bien moins répandue au Brésil qu’en France.

Les inspirations du disque sont repérables mais dosées à perfection : de la soul plaintive à la Tim Maia (Pes Descalcos, Como?) ou encore du samba-rock à la Jorge Ben (Rasgo Seda a Bessa). La surprise est la présence d’un chant du folklore du Minas Gerais (Chora Morena), typique de l’approche tropicaliste. Chaque piste a son petit détail qui tue: un riff de guitare funk (Bahia comigo), le piano de Dom Salvador (Quem tem um Olho e Rei), des chœurs que n’auraient pas renié Chico Buarque (Miradouro).

Ce brassage des styles fait d’E agora José le parfait résumé de la musique brésilienne des années 1970. Paulo Diniz n’ y inaugure pas de nouvelles voies musicales, mais il se situe à leur parfait point d’intersection. Il pioche à sa guise dans chacun des courants en vogue, qu’il patine de son chant assez particulier, mi-rauque mi nasal. Le résultat a ce quelque chose de très accrocheur, d’évident même, qui constitue d’ailleurs peut-être sa limite, mais reste suffisamment riche pour nourrir de nombreuses écoutes. Jusqu’à aujourd’hui, 40 ans plus tard.

 Paulo Diniz – E Agora José, 1974, Odeon. En écoute sur youtube.

 

 

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