Affaire d’ego ou de logique, la plupart des groupes se construisent autour d’un compositeur-parolier-interprète. Mais parfois, plusieurs de ces compositeurs s’associent pour donner vie à des groupes hors du commun. Ce fut le cas avec les légendaires A Voz do Morro, Doces Bárbaros ou Clube da Esquina ; groupes qui seront, nous n’en doutons pas une seconde, rejoint un jour dans la légende par Passo Torto.
Ce « super-groupe » rassemble rien de moins que trois des meilleurs compositeurs brésiliens de la génération actuelle, Kiko Dinucci, Rodrigo Campos et Romulo Fróes, accompagnés par le génial Marcel Cabral à la basse.
Chacun vient d’un univers différent et a déjà une jolie carrière derrière lui. Kiko Dinucci, moteur de Metá Metá, a sorti des albums de samba avec Juçara Marçal et le Bando Afro Macarrônico. Romulo Fróes est un des pionniers et plus sensibles artisans du renouveau de la samba ; marqué par Nelson Cavaquinho, il renouvelle le genre avec une approche indépendante et en incorporant des éléments de rock. Le joueur de cavaquinho Rodrigo Campos, deux albums à son actif, est également entre deux mondes, celui de la samba dans lequel il a grandi et s’est formé, et celui de la soul, de l’afrobeat ou du reggae, qui irriguent son beau dernier album Bahia Fantastica.
Passo Torto comprend des influences de chacun de ces musiciens, avec comme point de convergence cet amour pour la samba, en particulier celle de São Paulo jouée par Adoniran Barbosa ou Paulo Vanzolini. Mais surtout, ce qui les unit c’est leur volonté commune de ne pas ressasser le passé glorieux de la samba, mais de lui faire prendre de nouveaux chemins, quitte à froisser les puristes.
A cet égard, il est presque difficile de coller à leur second album Passo Elétrico, l’étiquette samba qui convenait encore au premier album. Ici point de pandeiro ou de surdo, ni tous les gimmicks qui ont fini par emprisonner la samba dans son âge d’or.
Passo Torto fait fi du passé et va encore plus loin que chacun des projets solo de ses membres dans la déconstruction de la samba. Leur son est construit autour d’une polyphonie de guitares électrifiés, triturées par les pédales d’effet, sans rythmique chaloupée évidente mais avec un son sale, dur et oppressant. L’omniprésence de la guitare électrique n’est pas là pour donner une touche de samba-rock à la Jorge Ben. L’album ne renvoie même à aucun crossover musical bien défini. Le son de Passo Elétrico est novateur et ne peut être résumé à la somme des ses inspirations.
Les paroles font échos à ces riffs de guitares inquiétants et évoquent les thèmes de toujours de la bonne musique et de la samba en particulier : la vie, l’amour, certes, mais dans le contexte de la suffocante mégalopole de São Paulo. Une ville sans mémoire, une vie sans repères, sans cesse détruites et reconstruites, où le romantisme de naguère a laissé la place au sexe, à la violence et à la cruauté.
L’album est offert en téléchargement gratuit sur le site officiel du groupe, en écoute sur deezer, et peut être téléchargé sur itunes (pour soutenir le groupe…)
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