Jacob do Bandolim – Bonnes vibrations

Jacob do Bandolim - VibraçoesOsvaldinho da Cuíca, Jackson do Pandeiro, Paulinho da Viola, Jair do Cavaquinho… nombreux sont les musiciens brésiliens à avoir été surnommés du nom de leur instrument de prédilection, mais aucun ne l’a incarné comme à pu le faire Jacob Pick Bittencourt, dit Jacob do Bandolim.

Il n’est pourtant pas le premier joueur brésilien de bandolim, le petit nom portugais de la mandoline. Il avait déjà acquis ses notes de noblesse dans les rodas de choro, dans les mains de maîtres comme José Alves (Oito Batutas) et surtout Luperce Miranda, qui l’avait érigé au rang d’instrument soliste. Mais l’impact de Jacob de Bandolim est tel qu’on ne dit pas qu’il était le nouveau Luperce Miranda mais plutôt que ce dernier était le Jacob do Bandolim des années 1930.

Le disque phare de Jacob do Bandolim est Vibraçoēs (Vibrations), considéré par de nombreux mélomanes comme le meilleur disque de choro de tous les temps. Enregistré en 1967, à la fin de sa vie, il constitue à la fois le résumé et le sommet de son œuvre et permet de saisir son génie protéiforme.

Jacob do bandolim

Sur ce disque, rayonne tout d’abord son talent de bandolinista hors pair. Selon l’anecdote, il a commencé à apprendre le violon, mais à la place de l’archet, jouait avec une barrette à cheveux …avant de découvrir qu’il existait un instrument qui se joue de cette manière : la mandoline s’accorde exactement comme le violon.

Mais loin d’être un virtuose de plus, il est surtout loué pour son sens rythmique et la finesse de ses interprétations, se refusant toujours aux notes superflues. Miles Davis ne disait pas autre chose: « Why play so many notes instead of just choosing the most beautiful? » Comme ce dernier, il était aussi un improvisateur d’exception, même si contrairement à son homologue américain, il ne partait pas dans de longs solos, mais brodait des ornementations discrètes autour des mélodies. Surtout, comme la mandoline produit des notes claires mais courtes, les musiciens compensent parfois par des trémolos. Jacob do Bandolim lui n’utilisait que peu cette technique et préfèrait laisser sa musique aérée par les silences. Miles Davis aurait également été d’accord: « Music is the space between the notes. It’s not the notes you play; it’s the notes you don’t play« 

Regional do canhotoUne autre facette de Jacob do Bandolim est son rôle dans la préservation de l’histoire du choro, à une époque où ce genre n’était pas pris au sérieux comme aujourd’hui. Il a constitué tout au long de sa vie, une des plus importante collection de partitions, disques, et photographies de choro. On lui doit d’avoir sauvé de l’oubli de nombreuses compositions dont celles d’Ernesto de Nazareth, son compositeur fétiche. Il est d’ailleurs l’auteur des trois titres qui concluent Vibrações (Floraux, Brejeiro, Vésper). Il interprète également sur le disque deux autres monstres sacrés du choro, Pixinguinha (Lamentos, Ingenuo) et Luis Americano (Assim Mesmo). Ses musiciens préférés ne composaient pas pour la mandoline, ni même pour des instruments à cordes, mais pour la clarinette et le saxophone. Qu’à cela ne tienne, Jacob do Bandolim a donc arrangé pour son instrument le répertoire de ses idoles.

Outre son travailleur d’arrangeur, Jacob do Bandolim a laissé derrière lui plus d’une centaine de compositions, écrites tout spécialement pour la mandoline. Sur Vibrações, il est l’auteur du morceau éponyme ainsi que les superbes Pérolas et Receita de Samba.

Vibrações présente aussi le rôle de meneur de Jacob de Bandolim. Il a joué durant sa carrière au sein  de nombreux conjuntos regionais, terme qui désigne les petits ensembles de choro (Regional de Benedito Lacerda, Regional de Canhoto). Pour Vibrações, Jacob do Bandolim constitue un des meilleurs conjuntos de tous les temps, Época de Ouro. Il comptait des musiciens de premier plan, comme lui dans la force de l’âge, Dino Sete Cordas, César Faria (père de Paulinho da Viola) et Carlos Leite aux guitares, Gilberto d’Ávila au pandeiro, accompagnés des jeunes Jonas da Silva au cavaquinho et Jorginho à la rythmique.

JacobnovinhoREDUZPlus qu’un simple meneur de musiciens, on se souvient de Jacob do Bandolim comme un modèle d’exigence, qui prenait la musique plus au sérieux que quiconque. Il était exigeant avec lui-même avant tout. Par exemple, alors qu’il jouait déjà à la perfection à l’oreille, en 1949 il a appris à partir de zéro le solfège et la théorie musicale. De même, son idéalisme musical était tel que pour rester libre des pressions commerciales, il a toute sa vie travaillé à côté de son activité de musicien, occupant de nombreux emplois dont son dernier dans la police. Occupé la journée, il consacrait ses nuits et ses week-ends à la musique. Le samedi surtout, quand les meilleurs musiciens de Rio de Janeiro et d’ailleurs se réunissaient chez lui pour des légendaires soirées où pouvaient se croiser Paulinho da Viola, Dorival Caymmi, Elizeth Cardoso, Clementina de Jesus, ou Canhoto da Paraiba.

Témoignage de la haute idée qu’il se faisait de la musique, Jacob do Bandolim avait pour l’habitude de dire que « la bonne musique est celle qui nous laisse en état d’infarctus« . Ce n’était pas qu’une boutade car, un premier infarctus le frappa lors d’un concert en 1967. Il raconte qu’il venait de jouer Lamento de Pixinguinha et était applaudit debout par la foule composée en majorité de jeunes. Il fut alors submergé par l’émotion de sentir son art enfin compris par la nouvelle génération. Ce succès annonçait le revival du choro qui allait fleurir dans les années 1970. Mais Jacob do Bandolim ne le vécut pas ; en rentrant un soir de chez Pixinguinha, un autre infarctus l’emporta en 1969 à l’âge de 51 ans.

 Jacob do Bandolim e conjunto Época de Ouro – Vibrações. RCA, 1967 

 

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