Quitte à choisir, je préfère les disques aux concerts. Peut-être car j’ai toujours eu du mal à voir mes artistes préférés, étant pour la plupart soit trop loin… soit trop morts. Mais il est clair que le disque a ses limites pour certaines musiques. Le frevo en fait partie: c’est une musique trop vivante, trop mobile, trop festive pour être capturée complètement dans les microsillons d’un disque ou dans les octets d’un fichier. Elle appelle la rue. Frevo Ao Vivo, publié en 1974 par le label Marcus Pereira, fait partie de ces tentatives impossibles. Le disque s’inscrit dans la cartographie du Brésil oublié que le label a entrepris. Cette approche ethnographique explique le choix d’un enregistrement live, qui offre un contrepoint intéressant aux enregistrements studio de frevo. C’est le Quinteto Violado qui organise l’enregistrement. Il réunit la chanteuse Zélia Barbosa, les chanteurs Gildo Moreno et Ray Miranda, le Coral do Batutas de São José, le Cordas Vocais et l’Orquestra de Frevo do Recife. Les morceaux ont été arrangés par Duda, Ademir Araújo et José Menezes et Toinho Alves du Quinteto Violado,
Le frevo, né à Recife et Olinda au tournant du XXe siècle, n’est pas une simple variation du carnaval brésilien. C’est un genre à part entière sans lien avec la samba ; un croisement entre la fanfare militaire, la polka européenne, le maxixe urbain et la fête carnavalesque ; une musique portée par les cuivres essentiellement, jouée à toute allure avec une intensité rythmique dévastatrice. On monte à 150 bpm! Frevo ne vient-il pas de « ferver », « bouillir »? Mais ce bouillonnement est un art et le frevo est une musique pointue, à la rythmique découpée au scalpel, aux contrepoints virtuoses et d’une précision maniaque, afin que cette folie ne tombe pas dans la cacophonie. L’écoute de Frevo Ao Vivo n’est cependant pas de tout repos, tant la fête déborde du disque. Mais votre effort sera 1 000 fois récompensé.
Frevo ao vivo, Discos Marcus Pereira. Produit par Quinteto Violado.