Ze Ketti – samba humaniste

On a pu parfois opposer la « protest song » à la brésilienne, à la samba, qui ont toutes connues un succès important au moment de l’instauration de la dictature brésilienne en 1964. Un versant jeune et politisé, contestataire et de l’autre une musique tournée vers la tradition et la « brasilianité », bref conservatrice voire nationaliste.

Le parcours de Zé Ketti (parfois ortographié Zé Keti) tort cette opposition. C’est un effet un sambista de Rio de Janeiro respecté, qui a comme beaucoup à l’époque alterné emplois alimentaires (étant même un moment militaire) et musique. Il a fait ses classes au sein de l’école de Portela et connu le succès vers la fin des années 50 avec  le morceau  » A voz do morro » (la voix des collines [où sont situées les favelas). C’est d’ailleurs le nom qu’il donne au groupe A Voz do Morro , qu’il forme aux côtés de Paulinho da Viola et d’Elton Medeiros.

Mais il est aussi à l’origine du spectacle Show Opinão qui est joué quelques mois après le coup d’Etat. Aux côtés de Jõao de Vale et de Nara Leão (la muse de la bossa nova, genre qui était d’ailleurs aussi taxée d’apolitisme), bientôt remplacée par Maria Bethânia, ils alternent chansons engagées et lecture de textes sur des thèmes sociaux. Les paroles de la chanson titre sont assez claires  :“Podem me bater/Podem me prender/Podem ate deixar-me sem comer/Que eu nao mudo de opinião... (ils peuvent me battre, ils peuvent même me laisser sans manger/ je ne changerai pas d’opinion)

Ce n’est pourtant pas ce disque que je souhaite vous faire écouter, ni son premier album solo suivant de 1967, dont les arrangements trop orchestrés me semblent un peu datés. Je préfère l’album de 1971 plus « traditionnel », et pour cette raison plus moderne. Car comme André Gide le disait »Ce qui paraîtra bientôt le plus vieux, c’est ce qui d’abord aura paru le plus moderne. Chaque complaisance, chaque affectation est la promesse d’une ride ».

On y trouve ses plus belles chansons, dont Opinião, Diz que fui por Ai et la magnifique Acender as Velas déjà enregistrée par Nara Leão en 1964:

Faire brûler des cierges
C’est une profession
Quand il n’y a pas de samba
Il y a la désillusion
C’est un cœur de plus
Qui cesse de battre
Un ange part pur le ciel
Que Dieu me pardonne
Mais je vais dire
Le médecin est arrivé trop tard
Sur la colline [des favelas], les voitures ne peuvent pas monter
Il n’ y a pas de téléphone pour appeler
Et pas de beauté pour se voir
Et les gens meurent sans vouloir mourir

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