En 1959, Canhoto da Paraíba et d’autres musiciens nordestins traversent tout le Brésil en jeep jusqu’à Rio de Janeiro. Ils sont accueillis dans la maison du grand musicien Jacob do Bandolim, chez qui sont présents la fine fleur du choro: Pixinguinha, Tia Amélia, Dilermando Reis et même Paulinho da Viola encore tout jeune. Selon la légende, Radamés Gnattali s’enthousiasme tellement quand il entend jouer Canhoto da Paraíba, qu’il crie un juron et lance son verre de bière jusqu’au plafond. On raconte que Jacob do Bandolim a laissé la tache en guise de souvenir. Je ne sais pas si l’écoute de la guitare de Canhoto da Paraíba vous fera le même effet qu’à Radamés Gnattali mais tout amateur de choro et de musique brésilienne en général ne peut être que charmé par la finesse de ses mélodies et la pureté de son toucher.Attention, Canhoto da Paraíba ne doit pas être confondu avec deux célèbres homonymes également surnommés « canhoto », le guitariste Américo Jacomino et Waldiro Frederico Tramontano, joueur de cavaquinho qui a dirigé le célèbre Regional do Canhoto.
Le père de Canhoto da Paraíba est lui-même musicien et tout jeune, il fréquente déjà les musiciens locaux amis de son père. Passionné dès son jeune âge, il est appelé pour jouer dans des bars et des fêtes locales. Son père lui offre d’ailleurs sa propre guitare après que celle avec laquelle il jouait est cassée sur la tête d’un client par le patron d’un bar où il jouait…Jeune homme, il s’installe à João Pessoa dans le Paraíba, où il est recruté comme musicien à la Rádio Tabajara. En 1958, il déménage à Recife dans le Pernamubuco voisin où il passe le reste de sa vie. N’arrivant pas à vivre seulement de la musique, il travaille durant 23 ans comme assistant social pour le SESI (Serviço Social da Indústria).
Ses premières influences musicales sont les grands noms du choro carioca, Pixinguinha, Jacob do bandolim, Luiz Americano et Luperce Miranda. Ses compositions ont un accent nordestin et on y retrouve l’influence de l’immense richesse musicale locale : baião, xote, xem-nhem-nhem, frevo, xaxado et cateretê. Au fil des années, Canhoto da Paraíba devient un musicien très respecté. Il est adulé par Paulinho da Viola qui l’invite à jouer avec lui, notamment dans une série de concerts en hommage à Pixinguinha. Il est tenu en grande estime par Jacob do Bandolim lui-même qui interprète certaines de ses compositions avec son groupe Época de Ouro.
Mais sans doute pour ne pas avoir déménagé à Rio de Janeiro, là où battaient les cœurs du choro et de l’industrie phonographique, sa production discographique est assez famélique. Il n’enregistre durant sa longue carrière que trois albums. Le premier, Único Amor, sort en 1968 sur Rozenblit, un label du Pernambuco aujourd’hui disparu. Canhoto da Paraíba y est accompagné seulement par le guitariste Henrique Annes. Une merveille de simplicité et de beauté, où ils interprètent essentiellement des choros. On trouve également quelques valses, un boléro et un style dont je n’avais jamais entendu parler mais qui sonne nordestin, le xem-en-en, avec le titre Pisando em brasa (marchant sur les braises). Tous les morceaux sont composés par Canhoto lui-même, à l’exception de trois compositions, Escadaria de Pedro Raymundo, le bolero Zingara de Joubert de Carvalho et enfin un des sommets de l’album et qui lui donne son titre, la valse Único Amor d’Alfredo Medeiros.
Canhoto da Paraíba – Único Amor (Rozenblit, 1968). Acheter sur itunes.