Paulo Vanzolini – Le zoologiste qui aimait la samba

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Il existe beaucoup de profils atypiques dans le monde de la samba, mais aucun n’est aussi original que celui de Paulo Vanzolini. A la manière de Goethe qui fut autant un grand scientifique que l’immense poète que l’on sait, Paulo Vanzolini a marqué son époque à la fois comme ponte de la zoologie mondiale et comme grand auteur-compositeur de samba.

Quand on regarde sa vie, difficile de se dire que la samba était pour lui beaucoup plus qu’un passe-temps. Car c’est bien la science qui fut sa première passion. De ses études de médecine à l’université de São Paulo, jusqu’à son doctorat à Harvard, de ses innombrables expéditions scientifiques aux quatre coins du Brésil sauvage à la constitution d’une des plus riches collections de reptiles du monde, de la rédaction d’innombrables articles et ouvrages jusqu’à sa direction du Musée de zoologie de São Paulo pendant plus de 30 ans, il a consacré à la zoologie l’essentiel de sa vie.

Photo:Wladimir Fontes

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Même si ce ne sont que les miettes de son existence qu’il a offertes à la samba nous les acceptons quand même volontiers, bien que ce fut sans doute toujours plus que ça. Car aussi loin que remonte sa vie, Paulo Vanzolini a toujours eu un pied dans la musique. Même au plus fort de ces études, il passait ses nuits dans les bars à côtoyer la bohème musicale de São Paulo. C’est là qu’il acquit une petite réputation d’improvisateur et composa ses premiers morceaux, bien qu’il ne sache ni lire la musique ni jouer d’un instrument. Lors de son séjour aux États-Unis, il vécut un temps avec des musiciens de la Nouvelle Orléans. A son retour au Brésil, il travailla brièvement dans la production d’un programme télévisuel pour la chanteuse Aracy de Almeida. Cette expérience mise à part, sa carrière artistique reste marquée du sceau de l’amateurisme.

Il composait peu, durant son temps libre, lors de ses grands voyages scientifiques qui l’emmenait loin de chez lui. Il rencontra son premier succès au début des années 1960, avec le morceau Ronda, déjà enregistré par Inezita Barroso mais qui conquit le Brésil avec l’interprétation de Márcia. Le morceau fut repris par Maria Bethânia sur son disque best-seller Alibi. Peu de temps après, un autre de ses titres séduit le pays, Volta por cima, interprété par le chanteur Noite Ilustrada.

Paulo Vanzolini n’a pas sa langue dans sa poche. Fidèle à sa réputation d’homme bourru, quand bien des années plus tard il apprendra que Ronda a été élue une des trois chansons représentant São Paulo il dira perplexe « je ne comprends pas comment l’histoire d’une prostituée qui va tuer son amant  peut représenter São Paulo». Quant à l’interprétation médiocre de Volta por cima par Noite Ilustrada, il aurait dit vachard « la samba, c’est comme un os, une fois qu’elle est dans la rue, elle va dans la gueule de n’importe quel chien« .

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Le génial dilettante avança à son rythme et son premier LP ne fut enregistré qu’en 1967 à l’initiative du producteur Marcus Pereira qui fréquentait comme lui assidument le bar Jogral. L’album, arrangé en partie par le guitariste Toquinho alors débutant, compte des interprétations de divers chanteurs aujourd’hui un peu oubliés comme Luiz Carlos Parana ou Mauricy Moura, mais aussi celles de Chico Buarque tout juste auréolé de la gloire d’A Banda, et de sa sœur Cristina Buarque alors âgée de seulement 17 ans. Un autre bel album avec ses compositions paraît sept ans plus tard interprété par Carmem Costa et Paulo Marquês.

Ce n’est finalement qu’en 1981, à 57 ans que Vanzolini enregistra pour la première fois un album où il interprètait lui-même ses compositions : Paulo Vanzolini por ele mesmo, qui reste son plus beau témoignage musical. Le disque ne comprend pas ses deux grands succès Volta por cima et Ronda mais regorge de bijoux de compositions. On y retrouve ses deux facettes complémentaires, le chroniqueur facétieux, et l’amant blessé. Un point commun avec l’autre grand sambiste de São Paulo, Adoniran Barbosa, mais aussi, osons le parallèle, avec notre Georges Brassens national (les trois étant d’ailleurs d’origine italienne!).

D’un côté donc, Vanzolini raconte sa ville à travers des petites histoires souvent tragiques mais chantées de manière caustique ; les tentatives de suicide ratées : le malheureux saute d’un pont mais un coup vent l’emporte au loin, tant qu’ il doit marcher une semaine pour rentrer chez lui. Il se jette sous un train mais ne réussit qu’ à provoquer un déraillement fatal pour les passagers mais qui le laisse indemne (Samba do suicidio). Ou l’histoire malicieuse de ce « trop bon » Alberto, qui soit disant « cède aux avances » de toutes les femmes, de sa voisine à sa belle mère, jusqu’à provoquer une émeute (Alberto).

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De l’autre côté, Paulo Vanzolini peint les errements amoureux, sans chichi mais souvent avec amertume. Un amour passionné et désordonné comme des chiffons et des guenilles (Amor de Trapo e Farrapo), un amour qui pousse un homme à se surpasser pour impressionner sa belle mais doit jetter  l’éponge devant son indifférence (Samba erudito), mais aussi cet amour qui invite à se battre et à résister ensemble contre les difficultés de la vie (Bandeira de guerra).

Paulo Vanzolini aura été un sambiste du dimanche. Pourtant, une grande partie de la cinquantaine de chansons qu’il nous laisse pourraient prétendre à entrer au panthéon de la samba de São Paulo, une samba longtemps méprisée par la fringante carioca, malgré le talent d’Adoniran Barbosa ou de Geraldo Filme. La samba paulista est devenue aujourd’hui la plus créative du Brésil avec l’essor de musiciens comme Kiko Dinucci, Romulo Fróes, ou Douglas Germano. Ces auteurs-compositeurs doivent tous quelque chose à Vanzolini, qui a su un des premiers faire rimer le rythme binaire de la samba avec l’effervescence de Sampa.

Sa vie signe une belle victoire de l’amateurisme passionné qui ne peut que réjouir le blogueur que nous sommes. Morale de l’histoire: on se souvient aujourd’hui plus de Paulo Vanzolini pour ses talents de compositeur que pour sa carrière scientifique exceptionnelle. Et le le 28 avril 2013, c’est dans les pages culturelles et non dans la rubrique scientifique que parut l’annonce du décès de Paulo Vanzolini.

Paulo Vanzolini – Paulo Vanzolini por ele mesmo. Eldorado. 1981.

 

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