La carrière de Sabotage n’a durée qu’à peine deux ou trois ans. Et pourtant, il reste encore une quinzaine d’année après son premier et unique album, une référence incontournable du rap brésilien.
C’est que Sabotage incarne une certaine idée, un certain moment, un certain âge d’or même du rap brésilien. Nous sommes en 2000, la scène rap du Brésil est encore underground mais deux groupes ont acquis une certaine notoriété. D’un côté les Racionais MC’s, le groupe de rap pur et dur issu des favelas de São Paulo. Marqués par Public Enemy, leur rap est sans sucre ajouté, avec des longs morceaux sans refrain, des beats lents, moites et sombres, tout au service des paroles évoquant la réalité sociale des quartiers pauvres de São Paulo. L’autre groupe, Planet Hemp, mené par Marcelo D2 est basé à Rio de Janeiro. Il est plus “classe moyenne” et joue un rap-punk-hardcore ultra énergique et assez énervé, à la manière de Rage Against the Machine.
Sabotage vient de la favela de Canão, à São Paulo et se rattache clairement à l’école des Racionais Mc’s. C’est d’ailleurs sur le label créé par le groupe, Casa Nostra qu’il sort son album Rap é compromisso. Le disque est produit par Daniel Ganjaman tout jeune multi-instrumentiste et producteur débutant, et DJ Zé Gonzeles qui viennent tous les deux de collaborer avec Planet Hemp. C’est sans doute ce mélange entre ces deux univers qui fait de Rap é compromisso un disque à part dans le rap brésilien.
Sabotage apporte son vécu de gamin des favelas et de dealer qui nourrit ses textes. Mais il puise aussi dans la meilleur MPB qu’il affectionnait pour développer son flow doté d’une richesse mélodique et rythmique inédite dans le rap brésilien. Un flow qui peut s’apprécier même sans comprendre les paroles, contrairement à celui plus austère d’un Mano Brown par exemple. Il invite en featuring un bel échantillon des meilleurs rappeurs de l’époque, Sombra et Bastardo de SNJ, RZO, et Black Alien de Planet Hemp.
Zé Gonzales et Daniel Ganjaman offrent à l’album une production impeccable, plus variée et plus fine que les productions habituelles de « rap de rue » qui se contentent souvent de suivre les tendances américaines. Ce sera d’ailleurs pour Ganjaman le premier grand album d’une longue série, lui qui (malgré son pseudo ridicule) s’installera comme le producteur de tout ce qui compte de musique indépendante durant la décennie.
Pour Sabotage au contraire, l’aventure s’arrête à cet album. Rattrapé par ses activités de dealer auxquels il avait mis fin peu de temps plus tôt, il est assassiné en pleine rue le 24 janvier 2003 alors qu’il travaillait sur son second album. Le grand espoir du rap brésilien ne chantera plus mais ses classiques restent toujours aussi percutants aujourd’hui, du manifeste Rap é compromisso, au tube Um Bom Lugar, de l’hommage au quartier bien nommé de São Paulo (No Brooklin) au génial Respeito é pra quem tem.
Sabotage – Rap é Compromisso – Cosa Nostra, 1999. Ecouter sur youtube.
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