Paulinho da Viola a une place à part dans l’histoire de la samba, à cheval entre les pères de la samba et la jeune garde de la MPB. Tout à la fois traditionnel et avant-gardiste.
Né en 1942, il est le fils du guitariste Benedito César Ramos de Faria qui a joué notamment au sein du Epoca de Ouro. Durant sa jeunesse, il écoute les grands maîtres tels que Pixinguinha ou Jacob do Bandolim et fréquente assidûment les rodas de samba et de choro quand d’autres jouent encore aux billes.
C’est aux côtés de musiciens de vingt, trente, quarante ans ses ainés que Paulinho da Viola fait ses premiers pas. Avec Ze Keti tout d’abord avec lequel il joue âgé d’à peine vingt ans au Zicartola. Puis il fonde le conjunto A Voz do Morro aux côtés de figures aujourd’hui légendaires comme Elton Medeiros, Jair do Cavaquinho ou Nelson Sargento. Paulinho da Viola est encore de la partie dans le spectacle Rosa de Ouro qui rassemble en 1965 une partie de ces mêmes musiciens et la grande chanteuse Clementina de Jesus, alors âgée de 64 ans. Ces deux groupes ont un impact décisif pour la reconnaissance de la samba des morros (favelas) qui fleurissait à l’ombre de l’industrie musicale.
Mais Paulinho da Viola est un homme de sa génération et refuse de jouer le gardien du temple. Contemporain de Chico Buarque et de Caetano Veloso, il participe comme eux aux grands festivals de la música popular brasileira (MPB) naissante retransmis à la télévision. Comme ces musiciens, et à la différence de la première génération de sambistas, il a fait des études supérieures, s’engage politiquement, notamment en défendant avec Candeia la dignité et les droits des Brésiliens afro-descendants. Surtout, comme les stars de la jeune MPB, il a à cœur de faire avancer la musique. Mais contrairement aux tropicalistes, rockeurs ou funkeiros, son inspiration pour faire évoluer la samba vient plus de l’intérieur du genre.
Son cinquième album solo, Dança da solidão est un des plus beaux témoignages de sa position d’intermédiaire entre deux mondes pas si différents. A cette époque Paulinho da Viola est dans une de ses plus fertiles périodes musicales. Il a récemment gagné un festival de musique avec le génial, Sinal Fechado, a sorti a coup sur coup trois grands disques les deux années précédentes, dont Foi Um Rio Que Passou Na Minha Vida (1970) et s’apprête à publier le classique Nervos de Aço (1973).
Dança da solidão qu’il publie à cette époque est un de ses albums qui comporte le plus de morceaux d’autres compositeurs. Il se fait plus que jamais passeur des grands maîtres méconnus auprès du jeune publique, comme l’ont pu l’être à la même époque Cristina Buarque ou Nara Leão. Mais Paulinho da Viola n’est pas dans la commémoration du passé, plutôt dans la la transmission. Il le dit joliment quand il présente le morceau « Meu mundo é hoje » de Wilson Batista présent sur l’album : « mon monde est celui d’aujourd’hui, je ne vis pas dans le passé, c’est le passé qui vit en moi ». D’ailleurs ces vieux sambistes n’avaient pas encore sortis à l’époque les albums qui allaient les consacrer au panthéon de la samba.
Dança da solidão est tout entier un chant d’amour pour la samba dans sa conception la plus noble. On y trouve l’aspect festif et communautaire de la samba avec un partido-alto enlevé, composé avec Elton Medeiros (No Pagode Do Vava). Il y chante les écoles de samba avec cet hymne à Portela (Passado da gloria) composé par Monarco de la Velha Guarda da Portela dont il venait de produire le premier album. Il y a aussi la dimension de critique sociale de la samba avec la dénonciation de l’hypocrisie par Nelson Sargento (Falso Moralista) et le sublime manifeste épicurien, Meu Mundo é Hoje composé par Wilson Batista, grand sambiste bohème qui vécu en marge de la société et à l’écart des écoles de samba. On trouve enfin le thème de prédilection de Paulinho da Viola et de toute la musique digne de ce nom, les désillusions amoureuses. Il les chante dans ses superbes Dança da solidão et Coração imprudente de sa composition, et les douloureuses chansons de séparation de Nelson Cavaquinho (Duas Horas da Manhã) et de celui dont il est le fils spirituel, Cartola (Acontece).
Porté par ce casting de compositeurs en forme de « samba all stars », l’album offre en outre tout un festival de rythmes, où chaque morceau a une batida différente, qu’elle soit jouée par un solide ensemble de percussions, un paquet d’allumettes ou une simple guitare. Paulinho da Viola y met tout le génie de la samba « traditionnelle » auquel il adjoint par moment un synthétiseur ou quelques cordes arrangées dans le style post-bossa nova. Paulinho da Viola y démontre magistralement que si Chico Buarque est le plus sambiste des compositeurs de MPB, lui est décidément le plus MPB des sambistes.
Paulinho da Viola – A Dança da Solidão. Odeon, 1972. Acheter sur itunes ou écouter sur deezer.
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