Le Brésil a une scène hip hop assez importante qui a pourtant été longtemps marginalisée, n’ayant jamais rencontré le succès public de son pendant brésilien, le baile funk (funk carioca) tout en étant comme lui assez méprisé par les chantres de la musique populaire brésilienne (MPB). Le genre semble pourtant enfin se décloisonner depuis peu avec des rappeurs s’ouvrant au reste de la musique brésilienne et les autres musiciens qui font à leur tour un pas dans leur direction.
Les fers de lance de ce rapprochement déjà amorcé par Sabotage se nomment Rael, MC Sombra ou Emicida. Mais celui qui a le plus œuvré dans ce sens est sans conteste Criolo. Avec son second disque Nó Na Orelha, il fait le lien entre rap (Grajauex), afrobeat (Bogotá), samba (Linha de Frente), reggae (Samba Sambei) et même brega (Freguês da Meia Noite). Il crée un son inclassable, différent de la somme de ces styles et parfaitement cohérent qui s’affirme de la manière la plus éclatante dans les titres phares de l’album, Subirusdoistiozin, Não Existe Amor em SP et enfin Mariô composé avec le génial Kiko Dinucci. Une cohérence assurée par la production de Daniel Ganjaman, producteur d’une impressionnante flopée de classiques des années 2000 (Nação Zumbi, Mombojó, Sabotage, MV Bill, Racionais MC’s…) et du grand contrebassiste Marcelo Cabral (Passo Torto, MarginalS…).
Nó Na Orelha est empreint de la personnalité et du charisme de Criolo lui-même. Il s’impose comme un grand parolier, car si ses letras évoquent de manière classique la drogue, la violence et les difficultés des quartiers pauvres de São Paulo, notamment Grajau dont il est originaire, il le fait avec un lyrisme et une poésie inédite dans le rap brésilien. Criolo s’affirme aussi comme un interprète de premier plan. Sans abandonner son flow de rappeur tout en nuance déjà manifeste dans son premier album Ainda Há Tempo, l’album le consacre comme un chanteur de premier plan.
L’album fait l’unanimité, et réunit la presse et le grand public bien au delà de l’habituel microcosme du rap brésilien. Celui qui était qu’une figure reconnue de l’underground quelques mois plus tôt est multi-primé lors des grandes messes de la MPB, et même adoubé par Caetano Veloso et Chico Buarque! Et voici Criolo propulsé nouvel ambassadeur de la musique brésilienne tout court.
Criolo – Nó Na Orelha. Oloko Records, 2011. Acheter sur itunes ou écouter sur deezer, youtube et spotify.
Pingback: Gui Amabis – Trabalhos Carnívoros | Bonjour Samba - Une discographie idéale de musique brésilienne