Alessandra Leão est une des plus passionnantes artistes nées sur le cendres du mangue-bit de Recife. C’est au sein du groupe Comadre Fulozinha, presque exclusivement féminin, qu’elle fait ses armes à partir de 1997. Le groupe abritait également Karina Buhr qui s’est lancée depuis peu dans une carrière solo à grand succès. Alessandra Leão rencontre quant à elle un succès plus confidentiel avec son premier album solo Brinquedo do Tambor de 2006. Le disque est pourtant un des plus beaux exemples d’approche moderne des styles traditionnels du Pernambouc et notamment ceux de la fameuse Zona da Mata. Une partie intérieure de l’Etat où maracatu, ciranda et coco sont les plus vivaces.
Brinquedo do Tambor est construit autour d’une formule musicale sans fioriture mais terriblement efficace, guitares, percussions et chant. Les guitares 7 et 10 cordes sont jouées notamment par Rodrigo Caçapa, compagnon d’Alessandra Leão, accompagné par Juliano Holanda et Rodrigo Samico. Caçapa signe les arrangements où il manifeste son goût et son talent pour le contrepoint qu’on retrouve dans son album solo Elefantes na rua nova. La pâte d’Alessandra Leão, percussionniste de formation se traduit par le superbe travail sur le rythme avec pandeiro, agbê, caxixi et des tambours ilú propres au candomblé du Pernambouc (Xangô de Pernambuco).
Au chant, Alessandra Leão partage le micro avec deux des plus belles voix de la région. Celle du grand maître de maracatu et de cavalo marinho, Biu Roque alors âgé de 72 ans, à l’oeuvre dans deux des moments les plus forts de l’album (Não dê desgosto, Olinda). On retrouve aussi au chant de Baladeira, l’ami et contemporain Siba, alors voué au maracatu avec son groupe la Fuloresta do samba. Alessandra Leão a d’ailleurs une démarche très proche de celle de Siba e a Fuloresta. Un son qui peut paraître traditionnel, bien moins porté sur la fusion que le mangue-bit, mais qui est en réalité tout autant contemporain et moderne. On n’est pas dans le folklore mais dans une musique actuelle et personnelle, pas dans la commémoration mais dans la poursuite d’une tradition avec ce que cela implique d’innovation et d’expérimentation. Si Alessandra Leão reprend quelques morceaux de compositeurs plus âgés, (Zé Neguinho do Coco, Fernando Cabedá et Biu Roque), elle en signe la grande majorité et s’affirme comme une auteur-compositeur-interprète de premier plan.
Brinquedo do Tambor est prolongé en 2009 par Dois Cordoès qui apporte à Alessandra Leão plus de visibilité. Un disque tout aussi indispensable, marqué par la présence accrue des guitares, et qui permet de patienter jusqu’au prochain album, Lingua annoncé pour début 2014.
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