Avant que le mot “samba” ne brille sous les projecteurs, avant qu’on en fasse un genre, un patrimoine ou un décor de carte postale, elle fut un mélange de chants d’afro-descendants, de prières aux orixás et de bohème urbaine. Heitor dos Prazeres en fut le témoin et l’artisan singulier.
Heitor naît en 1898 à Rio de Janeiro, dans le quartier de Cidade Nova —non loin de la fameuse Praça Onze, surnommée « le berceau de la samba ». Son père est clarinettiste militaire mais il meurt quand Heitor n’a que 7 ans. À 13 ans, il fabrique déjà ses propres instruments à partir de matériaux récupérés. Ce n’est pas au conservatoire qu’il apprend à jouer mais dans les terreiros, auprès de son oncle Hilário Jovino Ferreira qui était « pai-de-santo », au sein de la communauté des Bahianais de Rio dont la plus fameuse était la Tia Ciata, dans les fêtes de rue, les improvisations de coin de trottoir. Très vite, il fréquente les cercles des premiers sambistes : Donga, Pixinguinha, Sinhô, João da Baiana.
En 1930, il coécrit Pierrô Apaixonado avec Noel Rosa, qui rencontre un grand succès à l’époque. Il est l’auteur de sambas pionnières comme Mamãe Eu Quero, Alô… Alô, A Jardineira ou Quem Mandou Você Sambar. Il participe à la fondation de plusieurs écoles de samba notamment Unidos da Tijuca et surtout la mythique Mangueira. Mais son tempérament indépendant le pousse à s’écarter des institutions.
A la fin des années 1930, Heitor commence à peindre. Là encore, sans formation académique. Mais son œil, comme son oreille, capte l’essentiel : les corps, les mouvements, les fêtes, les gestes du quotidien. Il peint ce qu’il connaît : les scènes de samba, les cortèges de carnaval, les terreiro de candomblé, les enfants jouant dans les rues.
Le temps passe et la samba s’embourgeoise. La mode est à la samba-chanson. Heitor das Prazeres, lui n’oublie pas les origines.
Dans Macumba paru en 1955. il renoue avec le candomblé de son enfance, en mettant à l’honneur les chants liés aux cultes afro-religieux, les pontos chantés pour les orixás à une époque où le syncrétisme afro-brésilien était encore l’objet de méfiance, voire de répression. Il y avait déjà eu des enregistrements de ces chants sacrés, dès 1930, comme ceux de Getúlio Marinho et J.B de Carvalho. L’originalité de l’approche d’Heitor dos Prazeres est je crois qu’il s’agit de titres inédits de sa composition et non pas des reprises de chants traditionnels.
Dans un Brésil toujours traversé par les tensions raciales, les discriminations religieuses, et les réécritures du passé, Macumba d’Heitor dos Prazeres reste un témoignage précieux.
J’ai mis les playlists spotify de deux albums datant de 1955 et 1956. Le premier est également co-crédité de deux autres grands noms : João da Bahiana et Autalfo Alves.
*Pour nuancer,il existe des macumbas enregistrées dès le début des années 30 avec les disques de