Carmen Miranda – Carioca superstar

Carmen Miranda

Carmen Miranda en 1939

D’un petit village portugais, aux collines de Beverly Hills, tel est le destin hors du commun de Carmen Miranda, la première star moderne qu’ait connu le Brésil et qui incarna aux yeux du monde entier, la voix, le sourire et le déhanché du Brésil.

Carmen Miranda naît en 1909 à Marco de Canaveses près de Porto mais sa famille déménage à Rio de Janeiro alors qu’elle est âgée de quelques mois. Ses parents ouvrent une pension où vivent de nombreux musiciens, tels que Pixinguinha. Enfant, elle imite les chanteuses de la radio qui commence à entrer dans les foyers brésiliens. Adolescente, elle travaille dans le magasin de mode Maison La Femme Chic où elle confectionne des chapeaux, talent qu’elle utilisera plus tard pour ses incroyables couvre-chefs fruités qui deviendront son emblème.

Carmen_Miranda_no_estúdio_da_rádio_Mayrink_Veiga,_1932

Carmen Miranda au studio de la radio Mayrink, avec notamment Pixinguinha 1932

En 1928, âgée de 19 ans, elle est « découverte » par le compositeur et guitariste Josué de Barros qui la prend sous son aile. Dès l’année suivante, elle passe pour la première fois à la radio, et enregistre dans la foulée son premier disque. Ses débuts sont trépidants: elle participe à une revue de théâtre qui fait scandale en abordant la prostitution ; elle est invitée à chanter aux côtés de la grande vedette Francisco Alves. Dès 1930, elle rencontre un succès inédit avec la marchinha Pra você gostar de mim (Taí), de Joubert de Carvalho. Le 78 tours se vend à 38.000 exemplaires ; un chiffre qui peut paraitre modeste mais qui pulvérise tous les records, à une époque où la musique se diffusait encore majoritairement par les partitions et les chanteurs ambulants.

La décennie qui suit la consacre comme la plus grande vedette du Brésil. Rien qu’en 1930, elle publie près de 40 morceaux. Délaissant le foxtrot ou le tango étrangers, elle chante les styles populaires brésiliens, marcha (marche), choro et toada, mais c’est dans la samba qu’elle excelle. Carmen Miranda n’a pas un coffre ni une tessiture exceptionnelle, mais son charme, sa joie, son sens du rythme en font l’interprète idéale des sambas. Le genre est à l’époque en pleine effervescence grâce à une génération de musiciens et de compositeurs qui lui donnent ses lettres de noblesse. Par la voie de la radio et du disque en plein essor et grâce à des chanteurs comme Carmen Miranda, ils transforment ce jeune style de Rio de Janeiro en l’incarnation de la musique brésilienne.

Carmen Miranda avec Dorival Caymmi et Assis Valente

Carmen Miranda interprète les meilleurs auteurs et compositeurs de samba de l’époque: les pères fondateurs du genre, Donga, Pixinguinha, João da Bahiana, Sinho et la génération qui vient immédiatement après, Ismael Silva, Cartola, Noel Rosa, Lamartine Babo, Ataulfo Alves, Ary Barroso. Elle s’attache en particulier aux compositeurs bahianais installés à Rio de Janeiro, dont Assis Valente et Dorival Caymmi qu’elle révèle en 1938 en chantant en duo avec lui O que a Baiana tem. Qui plus est, elle sait s’accompagner des meilleurs groupes de l’époque (Grupo do Canhôto, Grupo Velha Guarda, Bando da Lua, Orquestra Odeon…).

Sa célébrité l’emporte dans des tournées internationales dont une fameuse à Buenos Aires, aux côtés de Mário Reis, Francisco Alves et Luperce Miranda. En 1938, elle chante même au Japon où elle rencontre, dit-on, un grand succès. Mais c’est aux États-Unis qu’elle s’installe en 1940 pour ne plus le quitter, favorisée par la « politique du bon voisinage » du Président Roosevelt, qui pour s’attirer les faveurs de ses alliés sud-américains, promouvait leurs artistes. Elle y est accueillie triomphalement, conquérant Broadway puis Hollywood où elle rivalise rapidement avec les plus grandes stars américaines.

Carmen-Miranda-resize-2Plus qu’une simple chanteuse, elle poursuit le spectacle « multimédia » amorcé au Brésil en mêlant musique, danse, jeu de scène et costumes typiques inspirés des tenus bahianaises. Pour séduire le public américain, elle mêle à ses sambas, des boléros et des rumbas arrangés à l’américaine et se met à chanter en anglais, en forçant parfois sont accent. Elle participe à une quinzaine de films hollywoodiens où elle joue généralement son propre rôle.

Son succès n’est pas dénué d’ambiguïté car si elle parvient – la première – à exporter la musique brésilienne chez l’oncle Sam, elle-même se retrouve à faire des compromis. Emprisonnée dans son personnage, elle s’enferme dans une caricature de la « femme latine », sensuelle et ingénue, un cliché dans lequel elle ne se retrouve pas et qui lui vaut les critiques des Brésiliens.

Cela ne l’empêche pas d’étendre son empire, porté par son charisme naturel et son sens du business hors-pair. A son apogée, elle devient la femme la mieux payée des États-Unis ! En véritable star, sa vie est aussi ponctuée de drames. Épuisée par le show-business, affaiblie par la drogue, brisée par un mariage malheureux, elle meurt d’une crise cardiaque en 1955. Son corps est rapatrié au Brésil. Témoignage de sa gloire intacte, le cortège funèbre est suivi par près d’un demi-million de personnes. Longtemps décriés, son exubérance et son cosmopolitisme retrouveront grâce dans les années 1960. Elle est réhabilitée par le tropicalisme de Caetano Veloso dont elle avait anticipé avec trente ans d’avance, le dynamitage des clivages national et international, authentique et artificiel, traditionnel et moderne.

L’oeuvre de Carmen Miranda est accessible dans le désordre via des compilations qui font malheureusement souvent la part belle à sa part Etats-Unienne. Nous vous conseillons cette compilation en 3 volumes sur spotify.

Certains titres tombés dans le domaine public sont téléchargeable sur Archive.org.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *