La samba est universelle. En témoigne l’étonnant parcours du Japonais Katsunori Tanaka. La petite histoire dit qu’il aurait découvert la samba en écoutant un disque de Cartola dans un magasin de Tokyo en 1978 avant de s’y éprendre avec la foi des convertis (c’est d’ailleurs aussi avec Cartola que nous sommes tombés dans la marmite de potion magique).
Quelques années plus tard, celui qui était cuisinier et journaliste s’envole pour Rio de Janeiro et se retrouve bientôt en train d’offrir des bières à des vieux sambistas de Rio de Janeiro. Introduit par Cristina Buarque, il gagne la confiance des compositeurs de l’école de samba de Portela. La Velha Guarda de Portela n’a rien publié depuis son premier et unique disque de 1970. Tanaka se souvient des paroles de l’Hino da Velha Guarda : Estamos velhos / mas ainda não morremos’ (« nous sommes vieux mais pas encore en morts ») et souhaite les enregistrer tant qu’il est encore temps. S’en suivront deux beaux disques qui paraissent au Japon en 1986 et 1989 et resteront longtemps inédits hors du Pays du Soleil levant.
La samba n’est pas seulement universelle est elle aussi intemporelle. Bien qu’enregistrés dans la seconde moitié des années 1980, ces disques fleurent bon les années 1970. On est loin du son de la samba qui triomphe à l’époque au Brésil, celui du pagode – ce qui n’est pas pour me déplaire. Les morceaux sont d’ailleurs pour la majorité très anciens. C’est évidemment le cas pour le disque consacré aux compositions de Paulo da Portela décédés en 1949, mais également de l’autre intitulé d’ailleurs à juste titre Doce Recordaçoes (Doux souvenirs). Ces compositions avaient déjà quelques décennies d’âge au moment de leur premier enregistrement ; elles avaient déjà passé le test du temps. Leur écoute aujourd’hui le confirme à nouveau.
On y retrouve tout le génie des musiciens de la Velha guarda de Portela et sans doute pourrais je reprendre l’essentiel des lignes déjà écrites à propos de leurs disques (là et là notamment). Mais quand on aime on ne compte pas alors que je redis ces compositions aux harmonies d’une complexité folle qui sonnent comme des évidences, ces chœurs qui donnent le frisson, l’immense profondeur sans prétention des paroles, ces sections rythmiques qui font battre la pulsation en 2/4 de la samba comme jamais, et bien sûr ces voix de vieux messieurs dignes et humbles, abimées par la vie mais qui gardent toute leur beauté.
Katsunori Tanaka ne gagna jamais d’argent avec ces disques dit-il dans une interview mais il poursuivit son travail, enregistrant au total une dizaine de disques de la fine fleur des sambistas pour le marché japonais (Nelson Sargento,Monarco, Cristina Buarque, Guiherme de Brito, Wilson Moreira, un disque des compositeurs de Mangueira …) sans compter d’innombrables compilations de pépites du monde entier pour les auditeurs japonais. Oui, quand on aime, on ne compte pas.