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]]>Il s’appelait Antonio Alves de Souza* mais est passé à la postérité sous son nom de bandit: Volta Seca. Il fut membre de la bande de Lampião, le brigand la plus célèbre du Brésil, qui sema la terreur dans le Sertão, région aride, pauvre et violente du Nord-Est du Brésil, tuant, rackettant pillant, des fazendas jusqu’à des bourgs entiers ; il tint tête au pouvoir avec sa bande de cangaceiros durant 16 années avant d’être tué en 1938. Décapité, sa tête et celles de ses compères furent exposées sur les places publiques. Loué pour son courage et craint pour sa cruauté, Lampião est aujourd’hui aux côtés de son épouse Maria Bonita, malgré ou sans doute à cause de son caractère ambivalent. un symbole de résistance ; une si ce n’est la figure mythique du Nordeste brésilien. On ne compte plus les innombrables folhetos de cordel (fascicules de littérature populaire), romans, films, peintures, sculptures, telenovelas et babioles pour touristes à son effigie.
Volta Seca était le plus jeune des cangaceiros de Lampião. Né dans l’Etat de Sergipe, il aurait rejoint la bande vers l’âge de 11 ou 12 ans. Arrêté avant l’extermination de la bande, il fut condamné à 145 ans de prison alors qu’il n’avait que 15 ans. Gracié par le Président Getúlio Vargas en 1952 après 20 années passées derrière les barreaux, il réussit à se réinsérer, travaillant comme garde ferroviaire et fondant une famille – il eut sept enfants.
Volta Seca resta auréolé – si l’on puit dire – de son titre de compagnon d’arme de Lampião : son surnom fut donné par Jorge Amado à un personnage de son fameux roman Capitaine des Sables (1937). Il participa comme conseiller au tournage du film Cangaceiro de Lima Barreto (1953) et fit l’objet d’une biographie posthume (As Quatro Vidas de Volta Seca de Roberio Santos).
Mais si nous parlons de Volta Seca c’est qu’il est l’auteur et l’interprète d’un album aussi formidable que méconnu. Intitulé Cantigas de Lampião, le disque publié en 1957 comporte huit chansons, qui alternent entre xaxado, baião, toadas et nous plonge dans le quotidien des cangaceiros.
Volta Seca, est crédité comme l’auteur des morceaux, aux côtés parfois de Lampião lui-même. On lui doit notamment Mulher Rendeira, Se Eu Soubesse et Acorda Maria Bonita qui sont aujourd’hui des classiques du Nordeste, jouées pour certaines par Luiz Gonzaga. Cette manière de se mettre en scène était spécifique à Lampião, qui au faîte de sa « gloire » donnait des interviews à la presse, se faisait filmer, distribuait des photos de lui à ses « admirateurs », et entonnait Mulher Rendeira avant de lancer ses attaques. Cet art de la communication se retrouve aujourd’hui chez des gangs brésiliens qui financent des musiciens de funk proibidão pour faire leur éloge.
Le disque Cantigas de Lampião ou plutôt chacun de ses morceaux est un patchwork. Après une présentation orale de Paulo Roberto, Volta Seca entonne la mélodie avant de laisser la place à une version du morceau reprise par des chœurs, arrangée dans le style des années 1950 par Guio de Morais. Les passages orchestrés semblent lisses à côté de ceux interprétés par la voix intense de Volta Seca, mais ces derniers suffisent à faire de Cantigas de Lampeão un témoignage passionnant sur la légende de Lampião, légende qui dépasse aujourd’hui de loin la réalité historique. Comme le disait John Ford : « This is the West, sir. When the legend becomes fact, print the legend » (L’Homme qui tua Liberty Valence).
Volta Seca – Cantigas de Lampeão apresentadas por Volta Seca (Todamérica, 1957)
*D’autres sources indiquent que son nom de baptême était Antonio dos Santos
*Les sources en portugais sont innombrables. En français, nous vous conseillons la lecture de l’article d’Elise Jasmin, « La geste de Lampião, in Chanter le bandit. Ballades et complaintes d’Amérique latine, Caravelle, 2007. Cette dernière a également écrit un ouvrage en français que je n’ai pas eu la chance de lire: LAMPIÂO, VIES ET MORTS D’UN BANDIT BRÉSILIEN, 2001.
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]]>Cristina Buarque et Mauro Duarte (1985).
Martinho da Vila – Canta, Canta minha gente (1974)
Ze Keti (1970)
Heitor Dos Prazeres – Macumbas (1955)
Dorival Caymmi – Caymmi (1972)
Velha Guarda da Portela – Tudo Azul (1999)
Velha Guarda da Portela – Portela Passado da Gloria (1970)
Jamelão – Escolas de samba (1959)
Encontro com a velha guarda (1976)
Douglas Germano – Ori (2011)
Kiko Dinucci & Juçara Marçal – Padê (2008)
Elton Medeiros & Paulinho da Viola – Samba na madrugada (1966 )
Paulo Moura – Mistura e Manda (1989)
Sergio Assad & Odair Assad Sérgio Assad – Heitor Villa-Lobos: Obra Completa Para Violao Solo
Heitor Villa-Lobos: The Complete Choros and Bachianas Brasileiras
Altamiro Carrilho – Choros Imortais I et II
Carlos Lyra – Bossa nova (1959)
Elizeth Cardoso – Canção do Amor Demais – (Festa/Sinter, 1958)
Antonio Carlos Jobim – Wave
Joao Gilberto – Amoroso (1977)
Moacir Santos – Coisas (1965)
Naná Vasconcelos – Amazonas (1973)
Clube da Esquina (1972)
Pérola Negra – Luiz Melodia (1973)
Gilberto Gil – Gilberto Gil (1969)
Tom Jobim & Elis Regins – Tom & Elis
Elomar, Geraldo Azevedo, Vital Farias e Xangai – Cantoria
Gal Costa – Fa-Tal: Gal a Todo Vapor (1971)
João Donato – Quem é Quem (1973)
Maria Bethânia – Álibi (1978)
Itamar Assumpção – Beleléu, Leléu, Eu. (1980).
Lucas Santtana – – O Deus Que Devasta Mas Também Cura (2012)
Dominguinhos
Ary Lobo
Jackson do Pandeiro
Azulão – Eu Não Socorro Não (1975)
Nelson Ferreira
Frevo Ao Vivo (Marcus Pereira, 1974)
Cascatinha e Inhana (1955)
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]]>L’article Cristina Buarque – La gardienne du temple est apparu en premier sur Bonjour Samba.
]]>Noel Rosa chantait “la samba ne vient ni des favelas, ni du centre-ville. Celui qui a déjà été amoureux sait qu’elle naît du cœur”. La vie de Cristina Buarque illustre mieux que nulle autre la dimension universelle de la samba, qui allait faire d’une gamine de la bourgeoisie de São Paulo la gardienne du temple de cette musique de Rio de Janeiro.
Elle naquit en 1950, dans une famille d’intellectuels paulista, bien loin des rodas de samba de la cidade maravilhosa. La musique avait cependant une place singulière dans cette famille où toute la fratrie ou presque devint chanteur de premier plan (d’Ana de Hollanda à Miucha en passant par le plus fameux de tous, Chico Buarque). Cristina la cadette apprit la musique en écoutant les disques de Noel Rosa, de Cyro Monteiro et de Mário Reis et en chantant avec ses grands frères et sœurs. C’est en famille qu’elle enregistra son premier morceau, à seulement 17 ans, d’un compositeur ami de son père, qui n’était nul autre que Paulo Vanzolini, puis que l’année suivante elle fut invitée par son frère Chico Buarque à chanter le merveilleux Sem Fantasia (1968).
Pourtant, loin de se lancer dans la carrière qui lui tendait les bras, Cristina Buarque disparut des radars pour ne réapparaitre que six ans plus tard. Hors du sillon bossa nova-MPB attendu, elle enregistra un pur disque de samba. C’est que pendant ces années, Cristina Buarque avait passé son temps à Rio de Janeiro, vivant de près le puissant renouveau de la samba aux côtés des maîtres: Cartola, Candeia, Nelson Cavaquinho, Clementina de Jesus, Ismael Silva. Le disque ou plutôt le compact qui en fut tiré, avec le morceau Quantas Lagrimas connut un grand succès commercial. Ce fut d’ailleurs le seul ; le reste de sa carrière se déroula loin des projecteurs.
C’est que Cristina Buarque n’a ni la voix ni le charisme de ces divas solaires qui illuminent la musique brésilienne. Mais elle a quelque chose d’autre. Un amour pur, total, viscéral de la samba, une humilité, une constance, une sensibilité qui font d’elle une des grandes passeuses de la samba dont la discographie n’a rien à envier à celles pleine de disques d’or de ses illustres contemporaines. La musique de Cristina Buarque est toujours restée dans lignée de son premier opus : un grand chant d’amour aux maîtres de la samba. Si elle ne chante presque exclusivement que des morceaux anciens, elle n’est jamais ni dans l’hommage au formol ni dans la relecture lisse. Elle chante tout simplement ce répertoire intemporel choisi avec son goût sûr. Elle pioche sans exclusive parmi les plus grandes écoles de samba, faisant la part belle aux compositeurs de l’école de son coeur, Portela. Aux hits, elle préfère les pépites que souvent elle exhume elle-même en allant discuter avec les vieux sambistas auxquels elle demande de se rappeler les chansons de leur jeunesse. Elle ne se sert pas la samba, c’est elle qui la sert. Et avec une fidélité exemplaire. Plus de quatre décennie après son premier album, son répertoire tourne toujours autour des mêmes compositeurs sans avoir dévié d’un millimètre de son approche de puriste.
En témoigne, le très bel album enregistré en live en 2007 au Teatro Fecap où Cristina Buarque est accompagnée du Terreiro Grande, groupe d’une quinzaine de musiciens originaires de la banlieue de São Paulo. C’est simplement un condensé du meilleur de la longue histoire de la samba. Tous les pères fondateurs sont chantés Bide, Manacéia, Candeia, Paulo da Portela, Zé Kéti, Mijinha, Monarco, Antônio Caetano, Heitor dos Prazeres, Cartola, Noel Rosa… une palette de compositeurs de génie dont alternent classiques et morceaux oubliés, joués par des musiciens tirés au cordeau dans le pur style des rodas de samba. Derrière les tamborims, les guitares et les cavaquinhos, émerge la délicate voix de Cristina Buarque, qui sans tirer la couverture à elle, introduit les morceaux avant qu’ils ne soient repris en chœur par le Terreiro Grande.
Concluons par ces poignants vers de Paulo da Portela qui ouvrent le disque et le résument mieux que nous ne saurions le faire : « Mon nom est déjà tombé dans l’oubli / Mon nom n’intéresse plus personne / Le temps a passé / la vieillesse arrive / Ils me regardent déjà avec dédain/ Ah, quelle saudade du passé /qui s’en va au loin » .
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]]>L’article Mestre Salustiano – Le Père spirituel du Mangue-bit est apparu en premier sur Bonjour Samba.
]]>Le Pernambuco occupe une place à part dans le paysage musical brésilien. Malgré sa petite taille et son isolement géographique en plein Nordeste, c’est un des foyers musicaux les plus dynamiques du pays. Il est aujourd’hui reconnu comme tel grâce au mangue-bit, une relecture contemporaine et cosmopolite de la musique régionale par les jeunes urbains qui a connu un succès national dans les années 90. Les « mangue-boys » avaient à leur disposition un terreau de rythmes et de fêtes sans équivalent au Brésil. frevo, forró pour les plus connus mais aussi : coco de roda, frevo, embolada, ciranda, repente, caboclinho, maracatu rural, maracatu de baque virado, maracatu de baque solto, cavalo marinho… autant de styles qui furent appris auprès de maîtres, dont le plus fameux d’entre eux, est Mestre Salustiano, le « père spirituel du mangue-bit ».
Né en 1945, Manuel Salustiano Soares grandit à Aliança dans la Zona da Mata, sur le littoral du Pernambuco, où il travaillait dans les plantations de cannes à sucre. Il déménagea plus tard à Olinda, ville voisine de Recife, où il officiait comme vendeur de glaces ambulant et chauffeur de camion. Bien qu’analphabète, c’était un homme de grande culture. Sa première passion fut le cavalo-marinho, auquel il fut initié par son père João Salustiano. Cette importante fête célèbre l’arrivée des rois mages. A l’image du bumba meu boi, ou de la nau Catarineta, il s’agit de véritables opéras populaires, qui mêlent narration, théâtre, costumes, danse, et musique, au sein de spectacles qui comportent jusqu’à 70 personnages et durent plus de huit d’heures ! Mestre Salustiano est considéré comme un des maîtres de cavalo marinho, comme musicien mais également comme costumier et danseur.
Le talent de Salustiano déborde le cavalo marinho: c’est un joueur réputé de rabeca (cousin du violon emblématique des musiques du Nordeste), une référence en ciranda (qu’il apprend après de Antônio Baracho, le plus grand maître du genre) et un maître de maracatu : il dirige le Maracatu de Baque Solto Piaba de Ouro, une institution sacrée sept fois champions consécutifs du carnaval du Pernambuco. Bref, Salustiano est une encyclopédie vivante de la culture populaire, en témoigne le titre de docteur honoris causa qu’il reçoit de l’Université fédérale du Pernambuco en 1988. Il assuma ce statut, et joua en quelque sorte le rôle d’intermédiaire entre les artistes et les pouvoirs publics. C’est par exemple lui qui créa l’association de maracatu de baque solto, qui fédère aujourd’hui près d’une centaines de groupes. Surtout, il transmit sa connaissance notamment auprès des jeunes des classes moyennes qui formeront plus tard les troupes du mangue-bit.
A cette époque, malgré sa renommée locale et son âge avancé, Mestre Salustiano n’avait toujours pas foulé les studios. C’est qu’au Pernambuco, la production discographique pourtant vivace restait focalisée sur les styles à plus fort potentiel commercial (frevo, forró). Situés à la périphérie d’un État lui-même périphérique, les musiciens, amateurs, issus des milieux les plus modestes, n’avaient accès ni aux studios, ni aux médias. Mais à la fin des années 90, le mangue-bit change la donne et lui permet de sortir son premier album en 1998, Sonho da Rabeca.
L’album est un manifeste du talent de Salustiano et de la richesse de la musique du Pernambuco. Il prend le parti de picorer dans chaque style : cirandas, coco, maracatu de baque solto, maracatu rabecado et bien sûr toadas de cavalo marinho. Le son est assez brut, proche des fêtes de rue, bien loin des arrangements « modernes » ou « érudits » de ces styles qui avaient pu être enregistrés par Jackson do Pandeiro, Quinteto Violado, Quinteto Armorial ou Nação Zumbi. Si le disque adopte une démarche traditionnelle, elle n’est en rien passéiste. Elle présente plutôt la vision personnelle de Salustiano. Les morceaux sont d’ailleurs presque tous ses compositions.
Il enregistrera encore trois autres albums, peu distribués et aujourd’hui très difficiles à trouver. D’autres maîtres de sa génération suivront ses pas, Biu Roque, Zé de Teté, Antônio Caju, João Limeiro, Caetano da Ingazeira, Barachinha… mettant à jour des trésors de poésie et de musique restés injustement dans l’ombre. Ils auront en commun d’être parrainés parle la jeune garde issue du mangue-bit (Siba, Alessandra Leão): un renvoi d’ascenseur mérité des élèves à leurs maîtres.
Mestre Salustiano – Sonho da Rabeca, 1998 (télécharger)
En bonus, une vidéo de maracatu de 1990 avec Mestre Juriti donnant un aperçu du maracatu.
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]]>L’article Vinícius de Moraes con Maria Creuza y Toquinho – Le Testament de la bossa nova est apparu en premier sur Bonjour Samba.
]]>Le Brésil vit actuellement une crise politique majeure où s’entremêlent, campagne anti-corruption, manœuvres judiciaires et manifestations populaires. Certains alertent sur la parenté avec le coup d’État militaire de 1964, quand le maréchal Branco renversa la deuxième République, sous couvert d’une révolution démocratique. C’est notamment le cas de Chico Buarque et Caetano Veloso déjà aux premières loges dans les années 1960 quand les musiciens se firent les relais de l’opposition estudiantine contre la dictature. A l’époque, ils perdirent la bataille pusique les militaires promulguèrent le tristement célèbre Acte institutionnel n° 5 de décembre 1968 qui suspendit la constitution, imposa la censure et abrogea les libertés individuelles. La réponse de certains fut de quitter le pays, quand il ne s’agissait pas d’un exil forcé : Chico Buarque en Italie, Caetano Veloso et Gilberto Gil en Angleterre, Geraldo Vandré un peu partout… Les maîtres de la bossa nova les avaient précédés : Carlos Lyra au Mexique, Baden Powell en France, João Gilberto et Antônio Carlos Jobim aux Etats-Unis.
Le plus globe trotteur de tous, Vinicius de Moraes, fut démis de ses fonctions diplomatiques. Malgré sa stature de grand homme de lettres brésilien, son engagement politique et peut-être surtout sa vie de bohème, ne cadraient plus avec le nouvel ordre moral qui était instauré Pour vivre de sa musique sans subir la censure, il entama alors une série de longues tournées à l’étranger : Portugal, Uruguay, et enfin l’Argentine, où il fut invité à jouer à Buenos Aires. Du haut de ses 60 ans, il s’associa comme à son habitude à de jeunes musiciens. Après avoir composé avec Tom Jobim, Carlos Lyra, Francis Hime, Edu Lobo et Baden Powell, son disciple fut cette fois le guitariste Toquinho, 24 ans. Malgré son âge, c’était déjà un guitariste confirmé qui revenait d’une tournée en Italie aux côtés de Chico Buarque et Joséphine Baker. Au chant, l’amateur de belles femmes et de belles voix fit appel à la jeune Bahianaise Maria Creuza.
Vinicius, Toquinho et Maria Creuza jouaient les samedi soir café-concert la Fusa de Buenos Aires. Ils furent remarqués par le producteur argentin Alfredo Radoszynski. Le fondateur du label Trova, derrière les tangos révolutionnaires d’Astor Piazzola décida de produire ce qui devint Vinicius de Moraes – Grabado en Buenos Aires con Maria Creuza y Toquinho : un des plus fameux enregistrements live de la musique brésilienne… et qui n’en est pas un. En effet, les techniques de captation du live n’étaient guère satisfaisante à l’époque. S’il n’était pas rare d’ajouter de faux applaudissements sur les disques studios pour leur donner un aspect live, l’approche de Radoszynski fut plus honnête : ne pouvant déplacer le studio sur scène… il fit venir le public au studio, permettant au disque de conserver la chaleur et la convivialité des concerts sans sacrifier la qualité du son.
Dans cette ambiance cosy, accompagné de « bouteilles de whisky et de jolies femmes« , le Don Juan joue les maîtres de cérémonie. S’il introduit les chansons et raconte des anecdotes, il partage avec ses compatriotes le chant, produisant un beau contraste entre les voix masculines et celle de Maria Creuza. Outre la guitare de Toquinho, les Brésiliens sont épaulés par trois Argentins de talent (contrebasse, batterie et percussions) à la hauteur de l’enjeu. Et quel enjeu: Vinicius de Moraes se fait – non le diplomate – mais l’ambassadeur de la musique brésilienne, offrant une rétrospective du meilleur des dix années écoulées. La bossa nova bien-sûr se taille la part du lion avec les chansons d’amour de Vinicius de Moraes et Tom Jobim, les plus belles de toutes : les inévitables Garota da Ipanema et A felicidade mais aussi le poignant Eu sei que vou te amar. L’autre grand compositeur de bossa nova, Carlos Lyra n’est pas oublié avec Minha namorada. Baden Powell, avec lequel Vinicius a sorti quatre ans plus tôt les célèbres Afro Sambas est représenté par deux de ses meilleures compositions (Samba em prelúdio, Berimbau / Consolação).
Mais Vinicius n’a rien d’un nostalgique ; le choix du répertoire le prouve : le récital s’ouvre par le sympathique Copa Do Mundo, qui célèbre la victoire du Brésil lors de la coupe du monde de 1970. Surtout, à côté des standards de bossa nova, ils jouent de nombreux morceaux de la jeune garde brésilienne en pleine effervescence en ces temps troublés. Fidèle à son tropisme afro-bahianais, il joue Catendé, hommage à un orixa du tout jeune duo Antônio Carlos e Jocafi. Toujours du côté de Bahia, le tropicaliste Irene rend hommage à Caetano Veloso, qui l’a composé en prison peu avant son exil. L’autre grand courant musical des années 60, la samba soul est représentée par Que Marivilha de Jorge Ben et Toquinho. C’est d’ailleurs le seul morceau composé par le jeune guitariste qui ne faisait alors qu’initier sa future longue et fructueuse collaboration avec le poète-diplomate.
L’année suivante, Chico Buarque sortira Construção avec la Samba de Orly. Le morceau co-composé par Toquinho et Vinicius de Moraes aborde frontalement l’exil, tranchant avec la poésie lyrique et apolitique associée au poète. A l’image du personnage de la samba sur le tarmac de l’aéroport d’Orly, la plupart des artistes et intellectuels reviendront peu à peu au Brésil au cours des années 70. Mais ils reviendront changés, endurcis, désillusionnés, brisés pour certains. Ils laisseront derrière eux l’optimisme et l’espoir d’une époque dont la bossa nova aura constitué la bande son, et dont le disque Grabado en Buenos Aires constitue le plus beau des testaments.
Vinícius de Moraes – Grabado en Buenos Aires con Maria Creuza y Toquinho (1970). En écoute sur deezer.
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]]>L’article Rodrigo Campos – Extrême occident est apparu en premier sur Bonjour Samba.
]]>Conversas com Toshiro, c’est son nom, se présente comme une plongée dans le Japon. Rodrigo Campos prend à nouveau son inspiration dans des lieux et plus particulièrement dans les personnes qui les habitent. Son premier disque s’intitulait São Mateus Não é Um Lugar Assim Tão Longe (São Mateus n’est pas un lieu si loin d’ici) et évoquait les souvenirs de la ville de la banlieue de São Paulo où il a grandi. Sur son second disque Bahia Fantástica, la ville côtière d’Itapoã, chargée des fantômes de Dorival Caymmi et Vinicius de Moraes, et terre des cultes du candomblé, lui servait de décors pour une méditation sur la mort.
Avec Conversas com Toshiro, Rodrigo Campos, poursuit son voyage bien au-delà du Brésil. Il reste pourtant dans la parfaite continuité de l’univers musical qu’il développe depuis son premier album. On ne sent ainsi guère l’influence de son groupe Passo Torto. On retrouve néanmoins au casting du disque, nombre de musiciens de ce dernier ou qui gravitent autour (Kiko Dinucci à la guitare, Marcelo Cabral à la basse, et de manière plus discrète Juçara Marçal et Ná Ozzetti aux chœurs, et Thiago França au saxophone…). D’autres musiciens de talent leurs prêtent main forte dont Curumin à la batterie, musicien brésilien d’origine japonaise et auteur d’une jolie discographie.
Tous ces musiciens se retrouvent au service de l’esthétique très personnelle de Rodrigo Campos. Les années passant, il n’abandonne toujours pas complètement la samba, genre avec lequel il a appris le cavaquinho et est devenu le musicien qu’il est. Mais il la fait sienne, l’enveloppant d’arrangement flamboyant, n’hésitant pas à puiser dans d’autres styles, en particulier la soul. Il ne faut pas s’attendre à une fusion brésilo-japonaise où il ferait résonner shamisen et cavaquinho. Rodrigo Campos sait mieux que nul autre, qu’aussi loin qu’on aille, la véritable exploration est en soi-même.
Ainsi, si la communauté japonaise de São Paulo, métropole dont est originaire Rodrigo Campos, est la plus importante du monde, si Rodrigo Campos a pu visiter l’île nippone lors d’une tournée, le pays qui l’intéresse est tout autre. C’est celui fantasmatique, du cinéphile un peu geek, de l’amateur de manga, et à travers eux, son Japon intérieur. Ni souvenir, ni méditation, sa rêverie japonisante est du côté du songe ; un songe chargé de poésie, comme celle des films d’Ozu ou de Miyazaki qui lui inspirent deux chansons, mais aussi de fulgurances violentes et sexuelles à l’image des films Kitano ou des mangas déviants de Suehiro Maruo. Rodrigo Campos a dit que le Japon était pour lui comme un costume de samouraï : ce qui l’intéresse ce n’est pas tant le costume que ce qu’il provoque en lui.
Rodrigo Campos Conversas com Toshiro – YB Music (2015) (téléchargement gratuit et légal sur le site de Rodrigo Campos)
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]]>L’article Sambanzo – L’exotique est quotidien est apparu en premier sur Bonjour Samba.
]]>Qui suit l’actualité de la (bonne) musique brésilienne le sait, un nom plus que nul autre revient inlassablement. C’est celui de Thiago França, stakhanoviste du saxophone. Outre son rôle, de « musicien de studio » (le terme est réducteur) sur un nombre impressionnant de grands disques récents (Rodrigo Campos, Romulo Fróes, Criolo, Dona Inah, Gui Amabis, Lirinha, Tulipa Ruiz, Juçara Marçal, Elza Soares, Rodrigo Ogi…), il est membre de deux trio des plus créatifs de sa génération : Metá Metá et Marginals. Il est aussi à l’origine de l’étonnant disque de novo choro Malagueta Peru et Bacaçanco, d’une fanfare carnavalesque, A Espetacular Charanga do França et de l’album jazzy Space Charnaga. Mais son projet le plus personnel est sans aucun doute Sambanzo.
Le premier album sorti sous ce nom date de 2010. Il témoigne du tâtonnement de Thiago França, qui ne garda des 13 titres enregistrés, de quoi seulement faire un EP. Bien que très bon, il n’avait pas encore fait éclore son talent à sa pleine mesure. Comme dans son premier disque Na Gafieira, qui tire son nom des salles de bals typiquement brésiliennes, il s’inscrivait avec brio dans la tradition musicale du choro et de la samba, mais s’en parvenir à sortir de leur carcan.
En 2011, Thiago França rencontre des musiciens à la hauteur de ses folies et avec lesquels il ne cessera de jouer : Kiko Dinucci (guitare électrique), Marcelo Cabral (basse), Samba Sam (percussion) et Welington Moreira « Pimpa » (batterie). Avec eux, il dépasse le samba-choro, et pioche au gré de ses envies dans le jazz, le reggae, l’afrobeat, la cumbia, la salsa, l’ethiojazz, le rock, sans bien sûr délaisser les trésors brésiliens. Sambanzo est d’ailleurs un mot-valise, de « samba » et « banzo » qui désigne la saudade que les esclaves noirs brésiliens ressentaient pour l’Afrique. La plupart n’avaient pas connus ce continent autrement que par les récits des plus anciens. Et pourtant, ils vivaient dans leur chair le manque de cette patrie mythique. De même, les inspirations de Thiago França relèvent autant de l’imaginaire que de la réalité, de l’exotique que du quotidien, comme aurait dit Georges Condominas. Car Thiago França n’est jamais allé en Afrique, ne connaît pas de jazzmen américains, et n’a pour tout dire jamais vécu hors du Brésil. Ce qu’il en connaît lui vient de disques, blogs et vidéos chinés sur internet. Le reste, l’essentiel peut-être, doit tout à son imagination de ces ailleurs où il peut projeter ses fantasmes. Et malgré tout, ces inspirations font autant partie de lui que n’importe quel style brésilien qu’il serait soit-disant plus légitime à jouer. Thiago França explique d’ailleurs être gêné par le terme « influence », qui implique qu’on utilise quelque chose qui n’est pas à soi. Alors, que, relève-t-il, tout se qu’on fait, ce qu’on joue, est à nous, nous entoure en permanence: ces sons étrangers appartiennent en réalité aussi à sa São Paulo.
Sur Sambanzo, Thiago França a recourt à des bases de compositions très simples : deux accords voire un seul comme sur Etiópia ; des mélodies courtes organisées sous forme d’appel et réponse, propre aux musiques afro-descendantes et qui offrent aux musiciens l’espace pour improviser en toute liberté, d’autant plus qu’aucun arrangement n’est écrit. Les rythmes différent d’un morceau à l’autre, mais tous partagent comme ligne de mire, le plaisir, le groove, la danse. C’est là le grand projet de Thiago França depuis ses débuts de musicien de gafieira: : réconcilier la musique instrumentale élitiste avec la rue, la faire descendre de son piédestal, lui offrir un coup à boire et la faire danser jusqu’au bout de la nuit. En finir avec les solos virtuoses mais onanistes ; qu’un concert soit au contraire la bande-son d’une fête, un prétexte pour la rencontre !
Fidèle à la conception de Thiago França, Sambanzo a été enregistré en une journée seulement, la plupart des morceaux dès leur première prise, car pour lui aucune n’est meilleure que les autres, toutes sont uniques et légitimes. La musique de Thiago França n’est jamais la vaine quête d’une perfection hygiéniste congelée dans un album sous papier glacé, mais c’est un instantané, avec ce que cela comporte de risque et d’imperfection, mais qui permet à sa musique d’être au plus proche de la vie.
[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=drOe-mtjpuM[/youtube]
Thiago França – Sambanzo (2012) (en téléchargement gratuit)
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]]>L’article Getz/Gilberto – Un beau malentendu est apparu en premier sur Bonjour Samba.
]]>A l’orée des années 60, les États-Unis sont en manque de musique latine depuis la révolution cubaine. Le jazz vit la fin d’un âge d’or, celui des Mingus, Davis, Monk, Parker et Coltrane, du bebop et du cool jazz. C’est alors que Charlie Byrd, Keter Betts et Buddy Deppenschmid découvrent la bossa nova pendant une tournée au Brésil. Sa richesse rythmique et harmonique, sa modernité, les séduisent et ils deviennent ses plus fervents ambassadeurs. Rejoints par le saxophoniste Stan Getz, ils sortent Jazz Samba en 1962, une relecture jazz et instrumentale de morceaux de bossa nova. Le disque remporte un grand succès, que Getz prolonge avec Jazz Samba Encore!, aux côtés cette fois-ci du guitariste Luiz Bonfá. La même année, les grands noms brésiliens de la bossa nova se produisent aux États-Unis lors d’un fameux concert au Carnegie Hall de New-York. Le très inspiré producteur de jazz américain Creed Taylor, déjà derrière Jazz Samba décide alors de réunir les créateurs de la bossa nova, Antônio Carlos Jobim et João Gilberto avec son poulain Stan Getz, pour un album destiné au marché américain. Ce sera Getz/Gilberto.
Quand il sort en 1964, le disque est un triomphe et consacre définitivement la bossa nova au rang de phénomène mondial. Rien qu’aux États-Unis, il reste 96 semaines dans les charts, dépassé seulement par A Hard Day’s Night des Beatles. Le paradoxe est qu’au même moment, le genre périclite au Brésil. Un coup d’État militaire a frappé le pays, balayant avec lui l’optimisme moderniste de la bossa nova désormais anachronique. Dans ce contexte tendu, beaucoup de musiciens brésiliens, dont non des moindre, profiteront de la bossa nova craze pour faire carrière aux États-Unis ou en Europe.
Quoi qu’il en soit, Getz/Gilberto devient bientôt aux yeux des Gringos du monde entier, le mètre étalon de la bossa nova. A bien des égards, l’album respecte les canons du genre, bien plus que les disques de Byrd et Getz. João Gilberto a encore épuré son chant par rapport à ses premiers enregistrements et la batida hypnotique de sa guitare est même mieux mise en avant. Antonio Carlos Jobim, au piano, distille son jeu impressionniste et parcimonieux. Il signe la quasi totalité des compositions, toutes de hautes volées, dont quelques unes déjà enregistrées (Corcovado, Desafinado). Le reste du répertoire est composé de deux vieilles sambas des compositeurs fétiches de João Gilberto (Dorival Caymmi et Ary Barroso). Toujours dans la continuité, on retrouve Milton Banana à la batterie, déjà présent sur les premiers albums de Gilberto.
Néanmoins, l’influence new-yorkaise est plus que présente. Les arrangements orchestraux disparaissent, ce qui n’est pas sans nous déplaire ; contrebasse et saxophone font leur entrée. Ce dernier instrument n’est pas exotique au Brésil, depuis qu’il y a été popularisé par Pixinguinha. Mais Getz en joue en jazzman. Sur quatre temps et en soliste, il improvise, loin des contrepoints discrets auxquels samba et bossa nova relèguent les instruments à vent.
Marché américain oblige, deux morceaux sont traduits en anglais : Corcovado devient Quiet Nights of Quiet Stars et Garota da Ipanema, The Girl from Ipanema. C’est la femme de João, Astrud Gilberto, alors sans expérience professionnelle qui les interprète. Son interprétation emprunte beaucoup au style dépouillé de son mari, auquel elle ajoute son brin de charme, juvénile et naturel. L’essai est tellement concluant, que ses morceaux sortent en single en version raccourcie avec seulement ses couplets. Ce sont ces versions anglophones teintées de jazz qui sont diffusées à la radio et qui restent jusqu’à aujourd’hui l’incarnation à l’étranger de la bossa nova. L’album reçoit les Grammy du meilleur album jazz instrumental (sic) et du meilleur album tout court, un exploit pour un disque pas tout à fait américain. Tout ceci explique que le genre qui était une évolution de la samba, est vu à hors du Brésil comme un courant du jazz.
L’histoire donnera plutôt raison aux Gringos. La bossa nova ne sera jamais vraiment acceptée par les sambistas comme l’héritière qu’elle est pourtant, mais influencera en revanche ce qui sera connu sous le nom de MPB. En revanche, les morceaux de bossa nova se transformeront bel et bien en standards de jazz, interprétés par les plus grands, de Franck Sinatra, à Miles Davis mais aussi par une foule de musiciens plus médiocres qui colleront au genre une image de musique d’ascenseur.
Cette musique finira par incarner dans l’imaginaire mondial, bien plus que la musique brésilienne, un Brésil idyllique, un monde raffiné, romantique et éternellement estival, un rêve proche mais inaccessible, à l’image de cette fille sur la plage d’Ipanema, grande, bronzée, jeune et adorable et qui passe en marchant, sans nous voir.
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Stan Getz & Joao Gilberto – Getz/Gilberto – 1964. Verve Records
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]]>Le titre de cet album paru en 1977 annonce la couleur : « Les Quatre Grands de la samba », une expression on ne peut plus juste qui désigne Nelson Cavaquinho, Candeia, Elton Medeiros et Guilherme de Brito. Nelson Cavaquinho, né en 1911 est le plus vieux des quatre. Figure mythique de l’école de Mangueira, malandro radical, sa voix rocailleuse, sa guitare et surtout ses compositions tragiques font de lui un des plusieurs singuliers sambistas.
Guilherme de Brito est son plus fidèle partenaire de composition dans lequel il est souvent resté dans l’ombre. Poète délicat. il est avec Nelson Cavaquinho, l’auteur de classiques absolus de la samba comme Folhas secas, O bem e o mal, ou encore A flor e o espinho, et Quando eu me chamar saudade, toutes deux interprétées par lui-même sur le disque.
Elton Medeiros, leur cadet est pourtant celui qui a à l’époque la plus longue discographie. Avec Ze Keti, Jair do Cavaquinho, Nelson Sargento et Paulinho da Viola, il a participé à plusieurs groupes fondateurs du revival de la samba des années 1960 (A Voz do Morro, Rosa de Ouro, Os Cinco Crioulos). Il est l’auteur de deux superbes albums sous son nom, dont un en partenariat avec son jeune ami Paulinho da Viola. Il partage avec ce dernier le goût pour une samba teintée d’expérimentation, comme en témoignent ses partenariats tant avec Cartola qu’avec Tom Zé.
Candeia enfin, le plus jeune des quatre, incarne paradoxalement la figure du gardien du temple. Compositeur intimiste mais doté d’un tempérament de leader, il a donné une nouvelle dynamique à la samba en la rapprochant de ses racines noires et communautaire. Le portrait ne serait pas complet sans évoquer la cinquième interprète du disque, Dona Ivone Lara qui chante sur Sou Mais o Samba. A l’époque encore inconnue du grand public malgré la cinquantaine bien entamée, elle allait peu après s’affirmer comme une immense compositrice-interprète de samba dans un milieu pourtant rétif aux compositrices.
J’ai découvert Quatro Grandes do Samba à une époque où cette musique ne m’était pas encore familière. Ce que j’y aimais ce n’était pas les chansons de ces grands compositeurs mais la samba qu’à travers elles je découvrais. Au contraire, aujourd’hui, ce qui me touche dans le disque, c’est qu’il est bien plus que de la samba générique et appliquée. C’est le partido alto enlevé qu’est Não Vem, le romantisme d’Expressao do teu olhar, la noirceur d’A Vida, la touchante résignation de Noticia. C’est la gravité de Candeia, la tendresse d’Elton le spleen de Nelson, la pudeur de Guilherme. C’est indubitablement de la samba : les arpèges de la guitare à sept cordes, la rythmique du cavaquinho, le contrepoint de la flûte, la pulsation du pandeiro nous le rappelle à chaque instant. Et pourtant, jamais on n’a l’impression que les musiciens appliquent les règles de la samba. Ce sont des maîtres. Ils ne suivent pas de règles, ils les créent ; ils ne font pas de la samba : ils font la samba. Ce sont quatre grands de la samba.
Guilherme de Brito, Nelson Cavaquinho, Candeia, Elton Medeiros – Quatro Grandes do Samba (1977, RCA). Acheter sur Itunes. Ecouter sur spotify.
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]]>Ils ont ce je-ne-sais quoi, qui les distinguent à la fois des albums antérieurs et de ceux qui suivirent. C’est une époque où la samba, désormais respectée, fait l’objet d’enregistrement plus soignés et plus respectueux de son identité. C’est aussi une époque où se croisent les générations avec d’un côté, les jeunes musiciens apparus à la fin des années 1960 qui atteignent leur maturité artistique, et de l’autre, des musiciens bien plus âgés mais qui avaient été snobés par l’industrie de la musique durant leur prime jeunesse. Dona Ivone Lara appartient à la seconde catégorie.
Ivone Lara a un destin hors du commun qui ne détonnerait pas dans un scénario hollywoodien. Elle naît en 1921 à Rio de Janeiro avec un triple handicap : Noire, pauvre et femme. Son père, réparateur de vélo, meurt avant qu’elle n’ait le temps de le connaître ; sa mère, employée domestique le suit dans la tombe alors qu’Ivone n’a que 6 ans. La patronne de sa mère prend cependant l’orpheline en pitié et l’inscrit dans un internat où elle devait rester jusqu’à ses 18 ans. Mais à la demande de son oncle, elle le quitte à ses 16 ans pour commencer à travailler dans une usine. Elle décide cependant de passer un concours pour intégrer une école d’infirmière qu’elle réussit si brillamment qu’elle décroche une bourse. Grâce à elle, elle peut poursuivre ses études, jusqu’à devenir une des premières femmes noires du Brésil diplômée de l’enseignement supérieur. Elle travaille comme assistante sociale, poste qu’elle occupe pendant 37 ans, en exerçant notamment en hôpital psychiatrique aux côtés de le grande psychiatre Nise da Silveira.
Pourtant, ce n’est pas ce parcours professionnel remarquable qui nous intéresse mais son talent musical. Ses parents qu’elle n’a guère eu le temps de connaître étaient très investis dans la musique, son père notamment jouait au sein du Bloco dos Africanos. Son oncle est également un musicien accompli qui joue du choro avec Donga et Pixinguinha. C’est lui qui lui fait son éducation musicale et lui enseigne le cavaquinho.
A partir de 1945, Ivone Lara déménage dans le quartier de Madureira et se rapproche de l’école de samba Prazer da Serrinha. Elle y rencontre les fameux sambistas Aniceto, Mano Décio da Viola et Silas de Oliveira, qui deviendront ses partenaires de composition. Certaines de ses sambas sont jouées à Prazer da Serrinha, qui défile même au son d’une de ses compositions lors du carnaval de 1947. Mais à l’époque, il était impensable qu’une école accepte des sambas jouées par une femme, alors elles étaient présentées comme étant l’œuvre de son cousin. En 1948, elle et ses amis sambistas font dissidence de Prazer da Serrinha et forment l’école aujourd’hui légendaire d’Império Serrano. Ivone Lara s’impose peu à peu dans ce milieu d’hommes très macho et devient en 1965 la première femme membre de l' »aile des compositeurs » d’une école de samba !
En 1974, elle enregistre deux morceaux, dont le superbe Tiê sur le disque collectif Quem samba fica ?, aux côtés de Casquinha, Wilson Moreira et Sidney da Conceição puis chante en 1977 avec Candeia sur Quatro Grandes do Samba. Ce n’est qu’en 1978, à 57 ans, qu’elle devient « professionnelle » de la musique, juste avant de prendre sa retraite de son travail d’assistance sociale. La même année, deux immenses stars de la MPB Maria Bethânia et Gal Costa interprètent son Sonho Meu qui deviendra un hit phénoménal. C’est surtout l’année où elle publie enfin son premier album Samba minha verdade, samba minha raiz.
La plupart des morceaux du disque sont composés par Ivone Lara avec Délcio Carvalho, musicien de près de 20 ans son cadet. De manière prévisible, on retrouve des hommages aux écoles de samba de son coeur, Imperio Serrano et Prazer da Serrinha (O Império Tocou, Reunir, Prazer Da Serrinha). Elle chante également l’école de Portela, sur le magnifique Chegou Quem Faltava, en duo avec Alcides Lopes, grand sambista dont c’est l’unique enregistrement avec Quando A Maré sur le même disque.
Mais l’essentiel de Samba minha verdade, samba minha raiz est ailleurs. Il est comme son nom l’indique dans ces chants d’amour à la samba comme racine et comme vérité (Em Cada Canto Uma Esperança, Samba, Minha Raiz). La douleur, la tristesse, les difficultés, sont présentes, mais la joie, l’amour, le pardon, l’espoir, et bien sûr la samba qui est tout ça à la fois, permettent d’y faire face, non pas en les effaçant d’un coup de baguette magique mais en vivant malgré ou plutôt avec elles, sans illusion ni désespoir mensongers.
« Il est facile de percevoir en moi, la tristesse qui peu à peu s’étend. Je m’achève, comme la fin d’un jour qui apporte la nuit de tout agonie. Tu as fait ce que tu as voulu de moi. Tu as, à la fin, détruis mon illusion. Moi qui chantais l’amour, dans tes bras, je sentais la joie et le plaisir. Aujourd’hui je n’ai appris qu’à souffrir. Le temps passe et augmente dans l’âme le tourment et la douleur du manque et des regrets. Je n’ai aujourd’hui plus que ma samba qui est libre et me couvre de tranquillité. Elle me dit que le monde tourne et que ma souffrance finira un jour. Je le verrai un jour implorant, ce qu’un jour je voulus lui offrir » (Apprendi a sofrer)
Dona Ivone Lara – Samba minha verdade, samba minha raiz (Odeon, 1978).
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